Votre banquier vous fait chanter : que faire ?

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Sur le blog SOS Conso, la journaliste Rafaele Rivais rapporte le cas inquiétant d'un internaute. Celui-ci, désireux de renégocier son prêt immobilier, s'est vu proposer un taux avantageux par sa banque à la seule et unique condition qu'il accepte de souscrire à trois assurances vie, une assurance habitation et une assurance auto. Attention : une telle pratique, appelée "vente liée", est interdite.

Vous avez récemment décidé de renégocier votre prêt immobilier compte tenu de la baisse des taux. Seulement, voilà : votre banquier n'accepte de vous faire bénéficier d'un taux intéressant que si vous souscrivez à une ou plusieurs assurances proposées par son établissement. Plutôt répandue, cette tendance est pourtant interdite par le code monétaire et financier (article L 312-1-2) et passible d'une amende de 15 000 euros, comme le rappelle SOS Conso.

À en croire le secrétaire général de l'Association française des usagers des banques (Afub), des faits semblables restent malheureusement monnaie courante. Et pour les sanctionner, la meilleure solution serait selon lui d'alerter la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). À noter que même si votre banquier ne vous fournit pas de document prouvant vos dires, la DGCCRF ne pourra négliger vos informations si les témoignages oraux se multiplient.

Seule latitude : l'assurance emprunteur

En réalité, la seule marge de manœuvre du banquier dans une situation semblable est de demander au client souscrivant un prêt immobilier d'opter pour une "assurance emprunteur". Celle-ci sert en fait à rembourser la banque à sa place s'il venait à décéder, à être victime d'une invalidité lourde ou encore d'une incapacité de travail. Toutefois, le banquier est tenu de laisser choisir au client celle qu'il préfère – chose rendue possible grâce à la loi Lagarde du 1er juillet 2010.

Cette dernière oblige le banquier à donner au client une fiche d'information renfermant les caractéristiques de l'assurance qu'il choisira (garanties décès, perte d'emploi, etc.) et le prix de celle qu'il lui propose. Ainsi, cette fameuse fiche lui offre la possibilité de comparer les prix de la concurrence. Et si le client se présente de nouveau devant le banquier avec une offre comportant un niveau de garantie égal (dit "équivalent"), le banquier ne peut en théorie pas la décliner. Si néanmoins tel est le cas, ce dernier est alors tenu de motiver son choix.

La loi Lagarde, une réforme au bilan mitigé

Bien que la loi Lagarde se révèle un bon moyen pour lutter contre les abus sur le papier, reste qu'elle est rarement respectée à la lettre dans les faits. Ainsi, comme l'indique le Comité consultatif du secteur financier (CCSF) – un organisme fondé en 2004 pour observer les relations entre les banques et leur clientèle –, le bilan de la loi Lagarde est maigre. Celui-ci constate en effet qu'en dépit du respect de l'obligation de remettre la fiche d'information au client, la remise en main propre aurait souvent lieu tardivement. Or, une information précoce permettrait de mieux comparer les offres.

Pire : certains établissements financiers développent leurs propres outils d'analyse du niveau équivalent des garanties – ce, afin de vérifier si l'offre concurrentielle avec laquelle revient le client est convenable ou pas –. Et parmi les banques disposant d'un tel dispositif, quelques-unes n'hésitent pas à le facturer (155 euros en moyenne selon la DGCCRF et jusqu'à 500 euros). Pourtant, comme le prévoit le projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires, ces "frais de délégation" sont interdits.

Aujourd'hui, d'après la DGCCRF, 10 % des offres concurrentes sont refusées par les banques. Mais les motifs invoqués pour justifier ces refus – obligatoires – restent, selon le comité consultatif du secteur financier (CCSF), souvent bien trop sommaires. À noter que selon un sondage TNS Sofres effectué pour le courtier en ligne AcommeAssure et publié en mars 2012, pas moins d'un tiers des Français ne savaient pas qu'ils avaient la possibilité de refuser de prendre l'assurance emprunteur auprès de la banque leur fournissant le crédit immobilier.

À noter qu’il est également tout à fait possible de changer d'assurance en cours de crédit. Pour cela, il est nécessaire de le faire à la date anniversaire. Ce qui n'empêche pas la plupart des banques de refuser, prétextant des problèmes techniques ou avançant que les garanties de l'offre concurrente ne suffisent pas.

Sources : SOS Conso, Le Monde, Afub, DGCCRF, CCSF