Pourquoi vos amis Facebook sont (presque) tous plus riches et heureux que vous

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Pourquoi vos amis Facebook sont (presque) tous plus riches et heureux que vous / iStock.com - gremlin
Pourquoi vos amis Facebook sont (presque) tous plus riches et heureux que vous / iStock.com - gremlin

N'avez-vous jamais eu le sentiment que vos amis Facebook étaient à la fois plus sociables, plus épanouis, plus riches, bref plus heureux que vous ? Si ? Alors pas de panique dans ce cas, car selon une étude réalisée par le sociologue Scott Feld, ce phénomène s'expliquerait aisément. Explications.

Aujourd'hui, pas moins de 1,2 milliard de personnes utilisent Facebook, ce qui fait un paquet d'amis virtuels à se faire. L'ennui, avec les nombreuses possibilités en matière de vie virtuelle offertes par Facebook, qui vient de souffler ses dix bougies, est qu'il n'est pas rare d'avoir le sentiment que nos amis ont mieux réussi leur vie que nous, aussi bien d'un point de vue économique que social.

Pas de quoi s'alarmer pour autant, car ce phénomène est simplement relatif à l'organisation des réseaux. En 1991, le sociologue Scott Feld a en effet mené une étude sur les propriétés des réseaux sociaux classiques, à savoir ceux dans lesquels on se rencontre physiquement, et s'est aperçu que le nombre de contacts de ses amis était systématiquement supérieur au total des siens.

Ce phénomène, qui serait indissociable des réseaux sociaux (réels comme virtuels), Feld l'a baptisé "paradoxe de l'amitié". À en croire d'autres chercheurs, on retrouverait également le même mécanisme avec ses partenaires sexuels, qui auraient également eu davantage de partenaires (que nous). Bien que ce constat puisse sembler de prime abord complètement illogique, il s'expliquerait en fait par la topologie des réseaux, autrement dit la façon dont ils sont structurés.

Mais alors dans ce cas, si nos amis ont plus d'amis que nous, est-ce qu'ils sont nécessairement plus riches et/ou heureux que nous le sommes ? C'est à cette question qu'ont souhaité répondre les chercheurs Young-Ho Eom, de l'Université de Toulouse et Hang-Hyun Jo, de l'Université d'Aalto (Finlande). Pour ce faire, ils se sont penchés sur les réseaux de chercheurs.

Le résultat, c'est que si nous étions un chercheur, notre collègue chercheur avec lequel nous aurions publié un article aurait probablement davantage de collègues chercheurs que nous. Pour arriver à cette hypothèse, Eom et Jo ont essayé les propriétés du paradoxe sur eux-mêmes, en s'appuyant sur leurs propres réseaux. Après avoir comparé leur nombre respectif de publications et de citations avec celui des savants avec lesquels ils avaient collaboré, ils se sont rendus à l'évidence que le paradoxe de l'amitié était également de mise au sein de leur profession.

Ainsi, tous les chercheurs avec lesquels ils travaillent en connaissent davantage qu'eux. Comment cela s'explique-t-il ? Au sein d'un même réseau, il y aurait deux groupes de personnes : le premier, plus conséquent en nombre, disposant de relations réduites, le second, limité, qui en compterait à l'inverse beaucoup.

Cela veut dire qu'il y aurait dans Facebook beaucoup de personnes disposant de peu d'amis et un autre groupe en réunissant un grand nombre. De fait, il y a de fortes chances pour que les amis disposant de nombreux amis fassent partie de vos amis, entraînant alors un effet d'optique nous faisant penser que nos contacts sont souvent plus sociables que nous.

Toutefois, rien ne permet de dire jusqu'ici que ces personnes sont plus riches ou pas que nous. Pour trouver la réponse à cette question, les chercheurs ont analysé en détail la topologie de deux réseaux distincts de chercheurs. Au sein de ces derniers, aucun compte Facebook mais des liens indiqués dans les articles de recherches co-publiés par les chercheurs.

De manière générale, les études universitaires sont souvent signées par plusieurs chercheurs, tant et si bien qu'on y trouve des liens entre les chercheurs les ayant cosignés. Au même titre qu'un utilisateur Facebook, chaque chercheur est un nœud du réseau connecté à d'autres scientifiques.

Paradoxe de l'amitié oblige, il y a encore une fois plus de chances, si nous sommes un chercheur, pour que nos co-auteurs comptent davantage de co-auteurs que nous au sein de leur réseau. Mais ce n'est pas tout : Jo et Eom sont arrivés à la conclusion que la probabilité pour que le chercheur avec lequel nous avons co-signé un papier en ait publié davantage que nous et ait été cité plus que nous est également forte.

Ce phénomène, les chercheurs l'ont nommé "paradoxe de l'amitié généralisée". De ce dernier, ces mathématiciens ont tiré une règle : lorsqu'un paradoxe est le résultat de la façon dont des nœuds distincts sont interconnectés, alors l'ensemble des propriétés de ces nœuds correspondent au même paradoxe.

Autrement dit : parce que le chercheur avec lequel nous avons co-publié un article a davantage de connexions dans le même milieu que nous (compte tenu du paradoxe de l'amitié), celui-ci aura donc de fait été plus cité et aura plus publié que nous.

Sur Facebook, la donne est identique : dans la mesure où vos contacts ont plus de contacts que vous, encore une fois sous l'effet du paradoxe de l'amitié, la probabilité est donc importante pour que ces derniers soient aussi plus argentés et heureux que nous, et ce du fait que ce même paradoxe est applicable à l'ensemble des autres caractéristiques de notre réseau. Toutefois, n'oublions pas que Facebook est – davantage encore que dans la vraie vie un lieu de représentation.

Tandis que nous ne cessons de nous comparer les uns les autres, cet effet d'optique devrait nous inviter à relativiser. Pourquoi ? Tout simplement parce que le fait d'avoir le sentiment d'être moins actif, d'avoir moins d'amis et d'être moins heureux n'est que le fruit de la topologie des réseaux et nous donne une idée faussée de la réalité. Ce qui explique aussi certainement pourquoi les utilisateurs les plus actifs des réseaux sociaux sont aussi les plus déprimés.