Qu'est ce qui nous pousse (ou pas) à intervenir quand une bagarre éclate ?

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En 2004, une étude menée par une équipe de chercheurs américains de l'université de Pennsylvanie a consisté à répondre à la question suivante : qu'est ce qui pousse les clients à s'interposer quand une bagarre éclate dans un bar ? Récemment dévoilés, les résultats sont pour le moins étonnants…

Vous pensiez précédemment connaître le summum de la psychologie de comptoir ? Vous aviez tort. Au cours de l'année 2004, 148 participants ont participé à une expérience particulièrement insolite. Leur mission : se rendre dans 118 bars différents dans la ville de Toronto, au Canada, afin de noter les circonstances des incidents et bagarres s'y déroulant. Un job particulièrement saugrenu en apparence mais dont le résultat, publié par eurekalert, a néanmoins été soutenu par The National Institute of Alcohol Abuse and Alcoholism (NIAAA).

1 bagarre sur 3 entraîne une intervention extérieure

Premier constat de cette expérience : seulement une altercation sur trois donne lieu à l'intervention d'un ou plusieurs clients extérieurs. À noter toutefois que les clients ont surtout tendance à intervenir lorsqu'il s'agit d'une bagarre entre deux hommes, et ce dans 65 % des cas.

Faut-il y voir une forme d'expression du courage ? C'est fort probable, sachant que les rixes entre deux hommes sont en général perçues par une tierce personne comme les plus risquées et pouvant déboucher sur de graves violences, comme le souligne le doctorant en sociologie, par ailleurs auteur de l'enquête, Michael Parks.

Ainsi, les hommes sont considérés comme plus forts et surtout plus imprévisibles. Mais à choisir entre la peur de subir des dommages collatéraux et le sens moral, c'est parfois ce dernier qui remporte l'adhésion du client, et ce notamment quand la situation dégénère et bascule dans l'extrême violence.

Mais contrairement aux protagonistes de l'altercation, la personne s'interposant tente de régler la situation de façon pacifique. Pour ce faire, deux manières de procéder sont mises en application, la première consistant à trouver les bons mots pour un retour au calme, la seconde à s'interposer physiquement.

Très peu d'interventions lorsqu'un homme agresse une femme

En revanche, chose étonnante mais au demeurant bien connue, certains accrochages peinent à mobiliser une intervention extérieure. C'est le cas par exemple lorsqu'un homme attaque une femme. Et alors qu'il s'agit pourtant du phénomène le plus courant, les témoins n'interviennent que dans 17 % des cas.

Pour Michael Parks, il est difficile de comprendre que si peu de gens soient disposés à s'interposer dans ce type de situation. Il émet néanmoins l'hypothèse qu'une querelle de cet acabit est perçue par les spectateurs comme ne pouvant pas dégénérer. Tant et si bien que ces situations ne seraient pas dangereuses, aux yeux de la plupart.

Quoiqu'il en soit, la crainte de voir un homme frapper une femme n'est rien en comparaison à la violence pouvant potentiellement découler d'une rixe entre deux personnes de même sexe.

Comment se construit notre intention de nous interposer ?

Mais indépendamment de la peur de voir une bagarre éclater, comment s'explique la décision d'intervenir, chez une tierce partie ? À l'heure actuelle, le motif le plus connu pour comprendre le phénomène est ce qu'on appelle l'effet du témoin (ou bystander effect). Une théorie selon laquelle plus les témoins d'une dispute tournant au drame seraient nombreux, moins ces derniers souhaiteraient apporter leur aide.

À noter que cette théorie tire son origine du meurtre de Kitty Genovese, assassinée à New York en pleine rue en 1964. Cette dernière avait été violée et poignardée sous les fenêtres de pas moins de 38 témoins ayant préféré ne pas se manifester. Pourquoi ? Parce qu'aucun d'entre eux ne s'est senti concerné par le drame se déroulant sous leurs yeux, explique la théorie de l'effet du témoin. D'autre part, compte tenu des nombreux témoins de la scène, le sentiment de responsabilité s'est dilué entre les témoins.

Résultat : plus on serait nombreux, moins on se sentirait responsable et moins on oserait intervenir. Si personne n'a osé donner une autre explication à ce phénomène, le réalisateur Lucas Belvaux, à travers son film 38 témoins – adaptation du roman Est-ce ainsi que les femmes meurent, écrit par Didier Decoin – a pour sa part estimé que ce ne sont autres que lâcheté et couardise qui nous retiennent de secourir autrui.

Sources : Eurekalert, Wikipédia, HuffPost