Et si votre téléphone était taxé pour financer la Culture ?

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La rencontre entre le paysage audiovisuel et internet ne fait pas un bon ménage. Ce couple, pourtant fait pour s'entendre, a une relation très contestée, notamment à cause du téléchargement, souvent illégal. Une mesure de répression, répondant au patronyme Hadopi, en fait frissonner plus d'un. Mais cette Haute Autorité aurait plus dépensé que sanctionné. C'est un échec. Pierre Lescure a donc étudié de plus près ce dossier, dont le rapport a été déposé ce lundi 13 mai au Président de la République et à la Ministre de la Culture.

Si l'on télécharge, c'est généralement pour 3 raisons :

- la sortie au cinéma et la sortie en Vidéo à la Demande (VOD) sont trop espacées ;

- les prix sont trop élevés (un DVD coute encore 20 € alors que l'on est passé au Blu-Ray depuis plus d'un an… et que la production de DVD est terminée !) ;

- le risque d'être pris et d'écoper d'une sanction élevée est important quel que soit le volume téléchargé.

Pour toutes ces raisons, qui cachent de nombreuses conséquences, Pierre Lescure propose de nouvelles mesures pour le paysage numérique audio-visuel, et espère ainsi aider à renflouer les caisses de la Culture.

Tout d'abord, taxer les smartphones et tablettes

Lorsque vous téléchargez, c'est à partir d'un ordinateur, ou d'une tablette, voire d'un smartphone. Si cela ne gêne personne de mettre plus de 500 € dans un téléphone ou dans une console de jeux, tous deux connectés, il est désormais très dérangeant de payer pour un contenu (un jeu qui coûte 70 € ou plus, un film qui coûte plus de 20 € etc.). Les prix se sont décalés peu à peu, la loi doit donc s'adapter. En effet, les téléphones étaient vendus, il y a quelques années, à des prix qui paraitraient aujourd'hui symboliques.

En revanche, les forfaits coûtaient une petite fortune. Il en allait de même pour les ordinateurs, dont l'accès à internet se facturait en demi-heure par mois, tant le prix était élevé. Du côté des films, les VHS étaient vendues à des prix dérisoires si l'on compare aux prix actuels, toute proportion gardée par rapport au niveau de vie. Aussi, l'utilisateur accepte désormais de dépenser beaucoup d'argent pour acheter un appareil, mais ne peut s'imaginer le contenu autrement que gratuit ou bon marché.

La solution est simple : taxer les appareils afin de financer la Culture. Les autres fournisseurs de biens multimédias (salles de cinéma, chaines de radio, fournisseurs d'internet, etc.) payent des taxes pour aider à la production d'œuvres culturelles. Cependant, les nouveaux "fournisseurs de contenus" (comme Google, Apple, Amazon, etc.) passent à travers les mailles du filet. Ainsi, les fabricants et distributeurs de télévisions, tablettes, smartphones et consoles connectés seraient taxés pour rentabiliser le transfert de contenu, souvent gratuit. La ministre de la Culture promet "une taxe extrêmement faible", relaie le Parisien.

Un propiriétaire de smartphone

Ensuite, supprimer l'Hadopi

C'est l'une des décisions que souhaite Pierre Lescure. En effet, cette cellule de répression dédiée aux piratages informatiques condamne lourdement l'utilisateur crapuleux du web, l'amende pouvant aller jusqu'à 1 500 € et s'en suivre d'une coupure d'internet. Or, couper internet est désormais reconnu comme une atteinte à la liberté et 1 500 € représentent une somme si importante qu'elle finirait bien par inciter à frauder, mais frauder en beauté.

L'effet étant inverse, Pierre Lescure propose une sanction moindre, mais toujours sur le modèle de la réponse graduée (une chaine d'avertissements qui mène à la sanction) : une amende de 60 €, forfaitaire. Ce rôle serait tenu par le Conseil Supérieur de l'Audio-visuel (CSA) car qui mieux que le CSA peut contrôler les œuvres audio-visuelles ?

Enfin, raccourcir les délais de VOD

Dernière proposition, qui s'adresse aux amateurs du canapé et de la VOD. Les délais, actuellement de 36 mois entre le passage au cinéma et la présence dans les vidéoclubs en ligne a des chances d'être réduite. En effet, chaque film doit passer d'abord au cinéma, puis à la télévision payante avant d'être disponible en télévision gratuite. Cette attente, jugée trop longue par de nombreux fans, est l'une des raisons qui pousse à pirater. Aussi, pour décourager le téléchargement illégal, le délai pourrait etre diminué de moitié, et passer ainsi à 18 mois.

Toutes ces mesures, attendues depuis septembre dernier et brassant le cinéma, les jeux vidéo et la musique, vont être analysées par des spécialistes afin de s'assurer qu'elles aient des chances de fonctionner, et que l'effet ne se retournera pas à nouveau contre le Gouvernement ou l'utilisateur d'internet.

Sources : Rapport Lescure