Des hommes qui ont vu l'ours

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Montreurs d'ours
Montreurs d'ours
Depuis qu'il est devenu cultivateur et éleveur, l'homme a fait appel à toutes les ruses et à son courage pour affronter l'ours.

Dangers pour l’homme

Même si l'ours fait peur, il faut dire que l'ours brun en France n'est pas une bête féroce. Le plus généralement il fuit bien avant d'être en contact avec l'être humain. C'est pourquoi les hommes qui ont vu l'homme qui a vu l'ours sont beaucoup plus nombreux que les hommes qui ont vu de leurs propres yeux l'ours dans son milieu naturel.

Une vie entière de berger, ou de technicien spécialisé de l'ONCFS (Office nationale de la chasse et de la faune sauvage), n'offre pas aux chanceux plus d'une dizaine d'occasions de le rencontrer en une trentaine d'années de présence assidue dans la montagne.

Dans une situation à risque, il faut réagir comme avec de nombreuses espèces sauvages : ne jamais courir, s'éloigner sans attendre tout en regardant l'animal et tenter de paraitre le plus imposant possible en écartant les bras.
Attention ! Il faut absolument éviter de se trouver entre une mère-ours et ses petits. C'est sûrement une des rares circonstances où l'attaque de l'animal qui cherche à défendre sa progéniture est inévitable.

L’ours dans notre histoire

L'ours est un animal mythique depuis la nuit des temps. Très tôt il devient un objet de culte car il incarne la force, c'est le seul animal à se tenir debout comme l'homme. Sa silhouette apparaît très souvent dans les peintures pariétales et rupestres.

L'ours des cavernes (ursus spelaus) a vécu au Pléistocène dans une grande partie de l'Europe. Il pesait le triple du poids d'un ours brun actuel et atteignait 3,5 mètres dressé sur ses pattes. Son museau était plus court que l'ours brun actuel.

L’ours des caverne © F.River
L’ours des caverne © F.River

Le 13 novembre 1988, les spéléologues savoyards Pierre Guichebaron et Marc Papet ont découvert dans cette cavité située à flanc de falaise, un des plus importants gisements d'ossements d'ours des cavernes (plus de 1 000 individus). La disposition des squelettes a montré qu'il ne s'agissait pas d'ossements apportés ici par des prédateurs, mais d'animaux morts pendant leur hibernation il y a entre 24 000 ans et 45 000 ans.
Aujourd'hui, uniquement l'accès au fond de la grotte est réglementé. Un musée à Entremont-le-Vieux (Savoie) retrace l'histoire des ours et de la découverte du gisement.

Horaires du musée :
ÉTÉ : de mai à septembre Du lundi au samedi, de 14h30 à 18h30
Le dimanche et jours fériés de 10h à 12h30 et 14h30 à 18h30
HIVER : d'octobre à avril De 14h à 18h, tous les jours sauf le samedi

Dès le début de l'ère chrétienne, on le retrouve dans les amphithéâtres romains où il s'affronte avec des gladiateurs ou d'autres fauves. La capture d'ours à travers toute l'Europe mais également en Afrique du nord permet d'alimenter ces spectacles. Se révélant un piètre combattant, l'ours est petit à petit exclu des arènes.

L'histoire de l'ours en Europe est particulièrement riche. Jusqu'à l'arrivée du lion dans l'imagerie collective, l'ours était le roi des animaux. Les Germains en ont fait un animal emblématique. Pour devenir des hommes, les jeunes guerriers devaient tuer un ours puis boire son sang et manger sa chair afin d'acquérir sa force.
Les Bersekirs, des guerriers scandinaves, vont jusqu'à se parer de leurs peaux pour se transformer en ours.
La place de l'ours est très importante en Occident, en atteste certains prénoms que l'on donne aux enfants qui viennent directement du mot ours comme Arthur, Artémis ou Bernard (littéralement "ours fort").

L'ours apparait comme le plus proche cousin animal de l'homme : sa démarche, son alimentation et surtout sa sexualité que l'on croit débridée le rapproche de l'être humain. Malheur à lui !
L'Eglise voit d'un mauvais oeil cet animal dépravé et lui déclare la guerre. L'ours devient une créature diabolique. Charlemagne par exemple mènera dans les pays germaniques après leur conversion au christianisme une véritable destruction massive des plantigrades. Enfin, dernière phase de cet acharnement, on le ridiculise. L'ours est montré de manière grotesque et risible, il devient un animal de cirque. Au XIème siècle, le lion revient dans le bagage d'images des croisés et lui ravit la place de roi des animaux.

Chapeau en peau d’ours des gardes royaux du Palais de Buckingham
Chapeau en peau d’ours des gardes royaux du Palais de Buckingham

Au cours des siècles, l'ours continue d'être pourchassé tout en étant vénéré pour son courage et sa force. Il apparait sur beaucoup de blasons sur les armoiries et même sur les uniformes. Sous Napoléon 1er, les célèbres chapeaux des grenadiers sont parés de peaux d'ours. Les fameux gardes de Buckingham Palace portent toujours ce chapeau.

On ne peut pas manquer de parler du fameux Yeti, mi-homme mi-ours qui fera couler beaucoup d'encre avant qu'un scientifique découvre que la peau du yeti n'est qu'une peau d'ours très pâle de la sous espèce U.a.isabellinus...

L’ours Michka : mascotte des Jeux Olympiques de Moscou
L’ours Michka : mascotte des Jeux Olympiques de Moscou

Au XXème siècle, l'image de l'ours a enfin changé. A l'époque de la défunte U.R.S.S., l'ourson Michka est même choisit comme emblème des jeux Olympiques de 1980.

L'ours en peluche de nos petits a peut-être fait son effet.

Expressions

  • Lécher l'ours : vielle croyance selon laquelle la mère ourse donnait la forme définitive à son petit en le léchant. "L'ours naissant n'est qu'une pièce de chair, rude et informe, l'ourse, à force de lécher, la met en perfection de membres." Rabelais, Pantagruel... Et puis parfois le travail est inachevé ça a donné ensuite l'expression "ours mal léché".
  • Ours mal léché : homme au caractère difficile et grossier... Avant on l'employait aussi pour désigner une enfant mal venu ou mal formé.
  • Velu comme un ours : un homme couvert de poils.
  • Il faut le faire monter sur l'ours : se dit d'un homme peureux que l'on veut aguerrir.
  • Ne pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué : il ne faut pas considérer comme acquise une chose que l'on n'a pas encore en sa possession.
  • Fait comme un meneur d'ours : se dit d'un homme mal accoutré.
  • Lécher l'ours : étudier un travail, une affaire.
  • Avoir ses ours (argot) : avoir ses menstrues.

Autres ours

  • Un ours : pièce de théâtre qui a vieilli dans les cartons, en argot des coulisses.
  • Un ours : terme audiovisuel désignant un montage sommaire d'un sujet, d'un documentaire ou d'un film ; une sorte de pré-montage.
  • Un ours : Mention du titre, du propriétaire, des éditeurs..., d'un journal ou d'une revue. Bien que sa localisation varie, il se trouve en général, pour les journaux, sur la page éditoriale ou en tête de la première page, et pour les revues, sur la page du sommaire.
  • La grande ourse et la petite Ourse (à qui appartient l'étoile polaire) sont des constellations.
  • Un ours : en argot littéraire, est une oeuvre littéraire quelconque, plusieurs fois refusée et enfin acceptée.
  • O.U.R.S. : Abréviation usuelle d'Office universitaire de recherche socialiste (France).
  • Un ours (ou un bear) : dans la communauté homosexuel, est un homme velu et robuste ou corpulent.

Cuisine…

Une cuisine au Moyen-âge
Une cuisine au Moyen-âge

Dans le Ménagier de Paris, un livre de recettes daté de 1393, on nous propose une recette de boeuf qui imite la viande d'ours !

Boeuf comme viande d'ours :
Avec le gîte de boeuf, on prépare une sauce noire avec du gingembre, du clou de girofle, du poivre long, de la graine de paradis, etc. On met deux tranches dans chaque écuelle: le boeuf a la saveur de la viande d'ours.

Dans les pays où l'ours est chassable, sa viande longue et goûteuse est comparée à celle du boeuf. Elle est appréciée en ragoûts.

Les indiens d'Amérique du Nord (Les Montagnais et les Cris) apprécient particulièrement les pattes et la graisse. Manger signifie également s'approprier des qualités comme la force et le courage de l'ours.

Protection

Tous les ours pyrénéens ne sont pas dans le Parc National des Pyrénées
Tous les ours pyrénéens ne sont pas dans le Parc National des Pyrénées

Un premier plan de sauvegarde a été initié en 1984, mettant l'accent sur les aides au pastoralisme, l'indemnisation des dommages et la mise en place de zones à ours. Il n'a pas permis d'enrayer la régression de l'espèce en raison notamment de la faible taille de la population.
Sous l'impulsion d'acteurs locaux et avec l'appui de l'Etat, 3 ours bruns d'origine slovène ont été lâchés en 1996 et 1997 dans les Pyrénées centrales et, dans le cadre d'un programme de restauration, des mesures ont été prises pour favoriser la cohabitation entre l'ours et l'homme : soutien au pastoralisme et à l'apiculture, limitation des impacts négatifs de la gestion forestière et de la chasse sur l'espèce, soutien aux activités touristiques et artisanales promouvant l'image de l'ours.

La population d'ours n'étant toujours pas viable, une nouvelle opération de renforcement a été décidée. Après une large concertation locale de plusieurs mois, un second plan, qui couvre la période 2006-2009, a été élaboré. Il a pour objectif d'inscrire la restauration de la population d'ours bruns dans une stratégie globale de préservation du patrimoine et, entre le printemps et l'été 2006, 5 ours bruns d'origine slovène ont été lâchés.

Cette opération est loin de faire l'unanimité dans les vallées. Chaque camp a ses vérités ses passions et ses outrances... Une affaire à suivre...

Où observer l’ours ?

Pattes antérieure et postérieure de l’ours
Pattes antérieure et postérieure de l’ours

Dans les départements où l'espèce est encore présente et avec une chance inouïe ou beaucoup de patience, il serait possible d'observer notre plantigrade aux heures crépusculaires. En réalité, si vous vous rendez dans ces endroits, vous aurez peut être la chance de trouver quelques uns des indices laissés par le plantigrade. Les plus visibles sont les marques laissées sur les arbres (mordus ou écorcés), les coulées souvent empruntées, les crottes ou laissées (couleur fruit rouge et pleines d'élytres d'insectes en été), les couches dans lesquelles l'animal s'est reposé, de très grosses pierres retournées (retournées et déposées un peu plus loin alors que les sangliers ne sont capables que de les retourner) pour chercher de la nourriture, des nids pillés ou bien encore les restes des greniers à crocus ou muguette confectionnés par les petits rongeurs et que l'ours affectionnent particulièrement à l'automne.

La façon la plus sûre en France d'observer notre animal reste les parcs animaliers. Si le spectacle de cet animal sauvage enfermé est parfois attristant, il faut savoir que ces ours sont nés en captivité et n'auraient aucune chance de survie s'ils étaient relâchés dans le monde sauvage. La contemplation du plus gros des mammifères peuplant l'Europe est à connaitre une fois dans sa vie.

On peut recommander deux adresses :

Article réalisé par Eric Tournier, Romain Fleury et Jean-Pierre Fleury.

Mots clés :mammifèresoursviande