Quand peut-on quitter son poste pour se mettre à l'abri d'un danger ?

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Dans quelles conditions peut-on quitter sont travail en cas de danger ?
Dans quelles conditions peut-on quitter sont travail en cas de danger ?
Mis en place en 1982 dans les lois Auroux, du nom du ministre du travail de l'époque, le "droit de retrait" permet à un salarié de quitter son poste s'il pense que la situation de travail présente un danger "grave et imminent" pour sa santé ou son intégrité physique. Selon une enquête réalisée par la Dares en 2010, 12 % des salariés ont exercé ce droit au cours des 12 derniers mois, "interrompant ou refusant une tâche" pour préserver leur santé ou leur sécurité.

Dans quels cas le droit de retrait s'applique-t-il ?

Certains contextes favorisent l'exercice de ce droit, mais dans un grand nombre de cas, le danger peut être écarté d'une autre façon, en modifiant unilatéralement l'ordre des tâches, ou en abordant la question avec un supérieur ou un collègue afin d'adapter ses conditions de travail, et si ça ne marche pas, suivre la procédure formelle : alerte écrite au responsable et arrêt du travail dans l'attente d'une intervention. Le droit de retrait est donc utile et permet à des salariés de négocier pour assurer leur sécurité même sans l'exercer. L'enquête "Sumer" permet de dessiner les contours assez vastes de l'utilisation de ce droit, et de voir quelles situations et quels profils de salariés sont concernés.

Les contextes constituant, aux yeux des salariés, des menaces graves pour leur santé ou leur intégrité physique tiennent pour une grande partie à des contraintes physiques ou au contact avec des agents chimiques ou biologiques, et à des conditions tenant à l'organisation, à l'autonomie, aux normes et à l'évaluation du travail. Par exemple, 60 % des salariés qui se sont senti en danger et ont exercé leur droit de retrait ont le sentiment qu'une erreur dans leur travail pourrait entraîner des conséquences financières pour l'entreprise, et 74 % des conséquences pour la qualité du service ou de tout produit. Les contraintes posturales ou articulaires sont dénoncées par 82 % des salariés ayant exercé leur droit de retrait, l'exposition à un agent chimique par 46 %.

Toutes les catégories d'employés sont concernées

Les profils dressés par la Dares sont très variés, même si à la question "Avez-vous refusé ou interrompu votre travail pour préserver votre santé ?", 16 % des ouvriers ont répondu par l'affirmative, contre 8 % - la moitié - pour les professions intellectuelles, et 11 % des professions intermédiaires et des employés. Tous les secteurs sont représentés, mais les salariés travaillant dans celui des "activités financières et d'assurance" ne sont que 6 % à être concernés, contre 17 % pour les travailleurs du secteur de la "production et distribution d'eau et énergie et de l'assainissement", 15 % dans les secteurs des transports, de l'entreposage, de la santé et de l'action sociale, et 14 % dans le secteur de la construction.

On peut voir que les travailleurs ayant subit un accident de travail au cours de l'année précédente sont 17 % chez les salariés qui ont interrompu leur travail pour se protéger, contre 7 % chez les autres salariés, ce qui montre que les salariés ont tendance à exercer leur droit de retrait après un accident. Autre point, l'étude dresse 7 profils-types, des conditions de travail dans lesquels les salariés ont tendance à exercer leur droit de retrait. Ceux-ci nous donnent une idée de la typographie des relations de travail qui s'organisent autour de ce droit. 17 % de ceux qui invoquent leur droit de retrait sont des "ouvriers de métier", 14 % sont des "OS (ouvrier spécialisé) fragilisés", 15 % sont "stressés", 13 % sont "agressés", 11 % sont "harcelés", 8 % sont "isolés" et 22 % sont "peu exposés".

Les conditions qui favorisent l'interruption de travail

Sans disposer de détails à propos des circonstances dans lesquelles les répondants à l'étude ont exercé leur droit de retrait, les chercheurs ont voulu établir un tableau montrant les liens entre le profil du salarié et les conditions dans lesquels ils ont été amenés à se retirer de leur poste. Par exemple, 90 % des employés correspondant au profil "stressé" sont exposés une "contrainte visuelle" (par exemple, une lumière trop vive, ou le fait d'être sur un écran d'ordinateur en permanence), 60 % à une "contrainte posturale ou articulaire", et seulement 3 % aux "vibrations" - quand 67 % des "ouvriers de métier" ayant exercé ce droit y sont exposés.

Les caractéristiques d'emploi des personnes concernées sont aussi assez significatives : 69 % des personnes ayant exercé leur droit de retrait sont des salariés en CDI, contre 2 % d'apprentis et stagiaires , 3 % d'agents à statut (vacataires et contractuels) et d'intérimaires, 7 % d'employés en CDD et 17 % de fonctionnaires. La moitié des personnes ayant le profil "agressé" est en CDI et/ou travaille dans le secteur de la santé et de l'action sociale, et plus du tiers sont fonctionnaires. 60 % d'entre eux ont subi des agressions physiques ou verbales des usagers, et 20 % déclarent au moins un accident du travail au cours de l'année (les "ouvriers de métier" sont 27 % - un record - dans ce cas).

Les salariés correspondants au profil "isolé", qui représente 1 % des salariés, sont 87 % à avoir déclaré une interruption de travail en vertu du droit de retrait. Les salariés "harcelés", qui "pèsent" 3 %, sont 47 % à avoir exercé ce droit, et les "agressés" (4 % des salariés) 39 %. Les salariés correspondant au profil "peu exposé", dont on peut penser qu'ils l'ont fait sans être vraiment en danger, représentant 54 % des salariés, sont 5 % à avoir exercé ce droit. En comparant ces chiffres, on peut voir que ce droit est largement exercé légitimement, les salariés le faisant dans des conditions effectivement dangereuses, souvent pour des raisons de santé. En effet les salariés ayant une condition médicale qui les limite dans leur travail sont 29 % à avoir exercé ce droit, et ceux qui sont en dépression ou qui ont des symptômes d'anxiété, 21 %.

Enfin, les salariés ont légèrement plus souvent recours à cette mesure quand ils travaillent en présence de représentants élus ou de délégués syndicaux, ce qui peut s'analyser comme étant le fait d'une moindre crainte des conséquences de l'exercice du droit de retrait, ou d'une circulation de l'information induisant une meilleure connaissance de ces salariés sur l'existence de ce droit.

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