Le piranha et les hommes

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Mâchoire de piranha noir © Arnaud Filleul
Mâchoire de piranha noir © Arnaud Filleul
Les piranhas attaquent en banc tout ce qui passe à portée de mâchoires. Poissons, vaches, hommes et même des hameçons, ils se mettent tout sous les dents...

Le piranha dans notre culture

Bien qu'habitant sur un continent lointain, le piranha est connu de tous dans notre pays. C'est un animal qui fascine tant les histoires autour de lui sont terrifiantes. Il suffit d'imaginer la mort d'un homme dévoré par ces poissons pour comprendre pourquoi ils stimulent autant l'imagination. Mais est-ce juste de l'imagination... ?

Histoire du piranha
Le piranha a toujours effrayé l'homme, depuis les indiens qui l'ont nommé en référence a sa denture (piranha signifie : le poisson à dents), jusqu'aux touristes de Manaus qui achètent des spécimens naturalisés durant leur visite en Amazonie. Tous sont fascinés par les réalités et les mythes qui nagent en leur compagnie dans les eaux troubles de l'Amazonie.

Mâchoires de piranha noir
Mâchoires de piranha noir

Légendes et faits
Commençons par les faits avérés :
La morsure des piranhas est l'une des plus impressionnantes dans le monde aquatique. Heureusement que le poisson est petit, car en terme d'efficacité et en proportion, ses capacités sont supérieures à celles du requin blanc. Les dents triangulaires et incroyablement coupantes s'encastrent parfaitement les unes dans les autres, et les mâchoires sont d'une puissance incroyable en comparaison de sa taille. Un poisson est dévoré entièrement, os de la tête compris, en quelques secondes.

Lorsque je pêchais sur l'Araguaia, il m'est arrivé de ne ramener que la tête de ma prise, les piranhas ayant mangé l'intégralité du corps durant les quelques secondes du combat !
Pour avoir vu plusieurs fois des pêcheurs blessés lors de manipulations, je sais qu'une morsure est vite arrivée. Et pour m'être fait moi-même mordre par un de ces petits poissons, je peux également vous assurer que la chair est emportée instantanément, sans même que l'on ait mal, tant les dents sont coupantes et la morsure rapide. On regarde sa main, l'impact vous rappelle celui que l'on laisse quand on croque dans une pomme. La plaie profonde et difficile à cicatriser peut devenir douloureuse.
Pratiquement tous les locaux de l'Araguaia et de l'Amazone qui ont été amenés à manipuler ces poissons dans leur vie, et portent des blessures aux mains. On capture tellement de piranhas lorsqu'on pêche dans ces environnements qu'à un moment ou un autre, on relâche son attention, et on se fait morde. La dangerosité du piranha n'est donc pas exagérée.

Son comportement agressif n'est pas non plus une légende.
Lorsqu'on pêche dans les bras morts, et qu'on relâche sa prise, celle-ci ne fait pas deux mètres avant d'être dévorée en quelques secondes. Les piranhas rouges repèrent instantanément un poisson à la nage hésitante que peut avoir un poisson capturé et relâché après le combat... Ils attaquent en nombre et après un bouillonnement effrayant, pas une once de chair ne réapparait à la surface de l'eau redevenue calme comme si rien ne venait de se passer.

Lorsqu'on fait des expéditions dans la jungle amazonienne, on se baigne tous les jours dans la rivière, au milieu des piranhas, et je n'ai jamais vu d'attaques spontanées. Il faut rappeler que les piranhas ont besoin de stimuli comme la présence de sang ou des humeurs d'un animal mourant pour attaquer.
En revanche, les locaux évitent soigneusement de se baigner dans des eaux où les piranhas sont en trop grande concentration, notamment en fin de saison sèche, quand ils les savent regroupés et affamés dans des mares closes en raison de la baisse des eaux.

Quelques témoignages dignes de foi mais sans preuves attestées

Attention piranhas, à vos propres risques
Attention piranhas, à vos propres risques

En ce qui concerne les attaques sur l'homme, aucune n'est réellement documentée, il ne s'agit que de témoignages.

En 1870 pendant la guerre entre le Brésil et le Paraguay, des soldats, dont la plupart était blessés et ensanglantés, furent attaqués et dévorés par des piranhas alors qu'ils traversaient à gué le Rio Paraguay.

J'ai entendu, de la bouche d'un habitant de l'Araguaia, un récit qui, bien qu'une fois encore non documentée, me semble crédible.
Nous sommes en pleine jungle, il n ‘y a que des villages isolés, donc très peu de chance pour qu'une telle histoire puissent être accompagnée de photos ou de procès-verbaux officiels.
Un pêcheur au harpon traque le pirarucu, un immense poisson que l'on croise parfois en surface, dans les bras morts. Cet animal qui dépasse couramment les deux mètres vit dans les mêmes eaux que les piranhas, et se retrouve également coincé dans les bras-morts à la fin de la saison sèche. Le pêcheur localise un gros spécimen, le harponne et le ramène jusqu'au bateau. Les piranhas affamés se jettent sur le pirarucu alors qu'il se débat désespérément le long de la barque, et ils commencent à le dévorer. Le pêcheur, exaspéré de voir sa prise disparaitre, tente de la sortir de l'eau. Dans son énervement, il bascule au milieu du banc de piranhas en pleine frénésie alimentaire et se fait dévorer à son tour.

Ce genre de récits existe tout le long de l'Araguaia et du fleuve Amazone. Pour avoir été témoin de l'agressivité des piranhas, je peux vous assurer que ces histoires sont crédibles, bien que non documentées.

Si les éleveurs de bétail du Pantanal offrent une de leurs vaches aux dents des piranhas, ce n'est pas pour rendre un culte quelconque aux dieux de la rivière mais pour permettre de faire passer en sécurité le reste du troupeau en aval du lieu du sacrifice.

Affiche de film
Affiche de film "Piranhas" réalisé par Joe Dante

Les piranhas sont vraiment des poissons d'une férocité inégalée. Heureusement pour nous, leur attaque, qui est une forme de réflexe, doit être stimulée. Ils ne sont pas programmés pour attaquer un animal spontanément. Ils se font même dévorer par les grands poissons-chats ou par les dauphins roses du Brésil, alors que s'ils avaient l'idée d'attaquer leur prédateur en groupe au lieu de se sauver, ils n'auraient aucun ennemi et seraient invincibles (même contre le Marsupulami).

Etymologie du piranha

Piranha est un nom portugais qui vient de la langue indienne Tupi signifiant poisson-dent.

Le nom de la sous-famille, Serrasalminés, veut dire saumon à serrature, en référence à la présence d'une nageoire adipeuse, comme chez le saumon. Mais aussi à celle d'une serrature ventrale. Il s'agit d'une carène faite d'une série d'écussons, formant une structure anguleuse sur toute la région ventrale. On sent très bien cette carène au toucher. Elle donne un aspect dur et anguleux à l'abdomen.

Cependant, piranha et saumon ne sont pas étroitement apparentés.

Il est à noter que piranhas ne figure dans aucun dictionnaire avant les années 1920. Avant, seules quelques rares allusions sont faites dans les publications scientifiques sous le nom de sérasme et nos poissons ne trouvaient alors aucun écho ni dans la connaissance courante ni dans l'imaginaire commun.


Article réalisé par Arnaud Filleul.

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