Cosmétiques : vers la fin des tests sur les animaux ? / iStock.com - Artfully79

Cosmétiques : vers la fin des tests sur les animaux ?

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Les militants de la cause animale ne sont pas passés à côté de la résolution européenne du 3 mai 2018. Anodin pour certains, ce jour représente pour d’autres un signe d’espoir pour un avenir exempt de tests sur les animaux. En effet, les députés européens ont réitéré leur engagement – pris en 2009 – en faveur de l’interdiction de l’expérimentation animale pour les cosmétiques, et ce, cette fois, au niveau mondial. Pour cause, une opposition croissante de l’opinion publique à la souffrance des animaux et d’autres méthodes innovantes efficaces. Retour sur l’expérimentation animale, ses débats et alternatives.

Les tests sur les animaux : origine et évolution

L’origine de l’expérimentation animale remonte à l’Antiquité. En effet, des dissections d’animaux morts ont été réalisées par des médecins comme Galien ou Hippocrate. Dès lors, l’animal cobaye naquit. Au fil des siècles, les expériences sur les animaux eurent la vie dure. Ils furent utilisés à des fins scientifiques pour mieux comprendre le vivant et son mécanisme. Les travaux de Claude Bernard datant du 19ème siècle, avec son œuvre Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, marquent quant à eux l’avènement de l’expérimentation animale moderne. Ce docteur chercheur est en partie à l’origine d’une école marquée par le recours à la vivisection, soit la dissection d’un animal vertébré vivant.

C’est aux alentours de la Seconde Guerre mondiale que des tests réalisés ont pour but de s’assurer de la non-toxicité des substances contenues dans les cosmétiques. Cette expérimentation a longtemps été – et, pour de nombreux pays, est encore – considérée comme la seule pratique assurant une garantie de sécurité et d’innocuité. Pour ce faire, des animaux au profil génétique proche de l’humain sont utilisés en masse et sur la durée afin de tester les produits. Lapins, souris, rats, cochons d’inde et hamsters – voire chiens et singes – avalent, inhalent et parfois reçoivent sur leur peau ou dans leurs yeux des substances cosmétiques et ce pendant une période allant de 28 à 90 jours. Par la suite, ils finissent abattus puis disséqués afin de vérifier l’impact des produits. Chaque année, bien que les animaux soient désormais reconnus doués de sensibilité, l’expérimentation animale se chiffre à 11,5 millions de cobayes dans les laboratoires européens, tous secteurs confondus.

Retour sur les interdictions européennes de 2009, de 2013 et de 2016

  • En 2009

La démarche débute en 2004, année à partir de laquelle les fabricants de cosmétiques se voient interdits de tester leurs produits sur les animaux en Europe. Cependant, rien n’était dit si les tests étaient effectués à l’étranger. En 2009, l’alternative à l’expérimentation animale est abordée en recommandant aux fabricants de remplacer les tests sur les animaux par d’autres techniques. 2009 signe le bannissement de cette expérimentation dans l’Union Européenne.

  • En 2013

L’année 2013 marque un tournant majeur pour ces tests dans le milieu cosmétique, freinant cette pratique comptée comme l'une des nombreuses dérives opérant sur les animaux. En effet, la Commission européenne déclare le 11 mars l’interdiction des tests sur le sol européen pour l’industrie cosmétique, et de la commercialisation de nouveaux cosmétiques, venus d’Europe ou d’ailleurs, ayant été testés sur les animaux.

À noter : il est toujours possible de trouver sur le marché des produits et ingrédients testés sur les animaux avant 2013.

C’est une avancée sans précédent opérant sur le plus grand marché au monde pour les produits de beauté. Du moins, en apparence. En effet, le règlement européen REACH renferme de nombreuses subtilités qui rendent vite l’interdiction préalablement mentionnée incompréhensible. L’acronyme signifiant « Enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques », ce règlement vise une protection humaine optimale en contrant les risques liés aux substances chimiques.

- Ainsi, dans le cadre de REACH, les tests sur les animaux sont tolérés dans le secteur de la chimie et le secteur pharmaceutique, pour n’en citer que quelques-uns. De nombreux composants dits "multi usages", tels que des conservateurs, solvants ou parfums, peuvent être employés à la fois dans le secteur cosmétique et dans ces secteurs, rendant les tests obligatoires… Autrement dit, les tests sur les animaux sont bannis uniquement pour les substances utilisées exclusivement en cosmétiques.

- La réglementation REACH stipule également qu’au-delà d’une tonne par an d’un composant utilisé, celui-ci doit être enregistré auprès de l’Agence européenne des produits chimiques. Des tests peuvent s’en suivre.

Enfin, pour tout groupe voulant exporter ses produits sur le sol chinois, celui-ci devra se plier à la réglementation locale revendiquant l’obligation des tests sur les animaux pour certains types de produits. Une fois les frontières chinoises franchies, ces expériences devront donc être réalisées.

  • En 2016

L’année 2016 s’engouffre dans la brèche ouverte en 2013 et sonne le glas de l’expérimentation animale pour les produits de beauté en Europe. Un arrêté est signé le 21 septembre par la justice européenne interdisant la vente de produits cosmétiques conçus à l’aide de composants testés sur les animaux. Finie également la vente des cosmétiques importés sur le sol européen et testés hors Europe. Cependant, pour les substances multi usages, les tests sur animaux sont toujours acceptés.

Quelles alternatives à l’expérimentation animale ?

Pour remplacer le recours aux tests sur les animaux, plusieurs méthodes efficaces et moins chères sont disponibles. De quoi ravir les défenseurs des droits des animaux.

- Il existe tout d’abord les expériences in vitro – c’est-à-dire des expériences pratiquées en dehors d’un organisme vivant, de manière artificielle –. Au lieu de tester un composant sur la peau d’un animal ou d’injecter un produit dans sa cornée, il est possible de reconstituer l’épiderme humain, la cornée voire des cellules et tissus humains. On peut, de cette façon, tester les réactions allergiques à des cosmétiques et plus généralement, vérifier l’innocuité des produits.

Le modèle d’organe sur puce – organs on chips (OCC) – est l’un des plus prometteurs, développé par des chercheurs d’Harvard. Cette fabrication permet de simuler l’activité d’un organe et de tester des médicaments.

Dans un autre ordre d’idée, le centre de recherche Episkin – filiale du Groupe L’Oréal – reconstruit différents tissus de peau humaine, sur lesquels peuvent être effectués des tests, se révélant plus intéressants. 

- Grâce aux nouvelles technologies, des simulations par ordinateur peuvent être réalisées dans le but de tester la toxicité de substances sur l’organisme. En effet, la modélisation informatique in silico permet de simuler la biologie humaine et d’anticiper des réactions. Des prédictions fiables sur la dangerosité d’une substance sont faites dans le cadre des « relations quantitatives structure à quantité », dites QSAR en anglais, en se basant sur des similarités avec des substances existantes et sur notre connaissance de la biologie humaine.

Un combat à étendre à l’échelle mondiale

L’Union européenne montre la voie et initie une démarche éthique essentielle. Elle se fait ainsi l’écho d’une opinion publique revendicatrice, de plus en plus sensible au bien-être animal. Un sondage IFOP réalisé en 2018 sur « Les Français et le bien-être des animaux », par exemple, indique que 90% des Français sont favorables à l’interdiction de l’expérimentation animale. Un eurobaromètre publié en 2016 révèle que 90% des personnes interrogées réclament des normes élevées en matière de bien-être animal.

Ainsi, les différentes interdictions européennes ont permis de faire grossir le chiffre de marques de beauté qui bannissent les tests sur les animaux, dénombrées à 1 900 selon l’association de défense des droits pour les animaux PETA. Celles-ci, dites « cruelty-free », – sans cruauté – sont reconnaissables par leur label, notamment Cruelty-free et Leaping Bunny, garantissant des ingrédients non testés sur les animaux et une absence d’implantation de la marque sur le marché chinois. Les associations telles que PETA, One Voice et Cruelty Free mettent également à disposition des listes de produits non testés sur les animaux.

Depuis 2013, d’autres pays ont emboîté le pas de l’Union européenne tels que l’Inde, la Norvège et Israël, ou progressé dans son sens comme la Nouvelle-Zélande ou l’Argentine. Des pays comme la Chine se voient poussés par cette interdiction grandissante et commencent l’essai de méthodes de tests alternatifs.

Des actions émergent, comme la pétition lancée en juin 2017 par The Body Shop, intitulée « Forever Against Animal Testing ». Celle-ci réclame une convention internationale similaire à celle européenne et vise 8 millions de signatures avant d’être envoyée aux Nations Unies.

Toutefois, une abolition mondiale semble encore lointaine. Environ 80% des pays continuent l’expérimentation animale et commercialisent des produits cosmétiques testés sur les animaux. C’est pourquoi en mai dernier une revendication d’interdiction mondiale a été portée par les députés européens. Ceux-ci incitent l’Union européenne à militer pour que l’expérimentation animale dans le domaine des cosmétiques cesse au-delà de ses frontières, et veulent que cette cause soit portée devant les Nations Unies. La résolution du 3 mai 2018 devrait permettre de porter la norme européenne dans les instances mondiales. La majorité écrasante au Parlement européen en faveur de cette résolution en dit long sur ce nouvel état d'esprit…

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