Poissons cartilagineux et poissons osseux
Raies et requins sont inclus dans le groupe des chondrichtyens, qu'on appelle plus communément les poissons cartilagineux, par opposition aux poissons osseux, ce dernier groupe comprenant la majeure partie des espèces actuelles, tels le bar, la carpe ou encore la truite.
De fait, il existe près de 30 000 espèces de poissons osseux de par le monde alors qu'on ne compte qu'un peu plus de 800 espèces de poissons cartilagineux.
Les poissons cartilagineux ont pourtant une origine beaucoup plus ancienne, et ont prospéré par le passé, avant d'arriver à la richesse spécifique actuelle, beaucoup plus modeste. D'un point de vue évolutif, une raie n'est rien d'autre qu'un requin aplati, suite à des millions d'années d'évolution. Il faut dire que les chondrichtyens existent depuis 450 millions d'années, le temps et la sélection naturelle ont pu faire leur oeuvre.
Les raies sont des poissons aplatis mais ne sont pas des poissons plats
Il ne faut pas confondre les raies avec d'autres poissons au corps plat, notamment les espèces désignées par le terme commun poissons plats comme la sole ou la plie.
Les poissons plats ne sont aucunement apparentés aux raies même s'ils sont eux-aussi adaptés à la vie benthique.
Ce sont des poissons osseux et non cartilagineux.
Par ailleurs, il existe une autre différence anatomique de taille: les raies sont aplaties dorso-ventralement et reposent sur la région ventrale alors que les poissons plats sont aplatis latéralement et reposent sur l'un de leurs flancs, ils sont en quelque sorte couchés sur le côté.
L’ordre des chondrichtyens
Au sein des chondrichtyens, les raies sont incluses dans l'ordre de rajiformes. L'ordre des rajiformes contient environs 460 espèces, soit la majeure partie des chondrichtyens.
On l'oublie souvent mais il y a plus de raies que de requins dans les eaux de la planète (460 contre 360). L'arbre de parenté présenté ci-contre vous aidera à comprendre les relations au sein des chondrichtyens. Il faut lire ce schéma comme un arbre généalogique. Les espèces à la base de l'arbre montrent l'aspect primitif des chondrichtyens, alors que le sommet de l'arbre regroupe les espèces les plus transformées par rapport à l'état primitif. Les raies forment ainsi le groupe des rajiformes.
On remarquera, par exemple, que les requins ont des branchies sur les côtés alors que celles des raies sont situées sous le corps, suite à l'aplatissement de ce dernier. De même, alors que les requins ont une région caudale bien développée, celle des raies est souvent fine et longue, et ne sert plus à la nage. Alors que les requins avancent par des mouvements de la nageoire caudale, les raies utilisent leur corps transformé pour nager.
Le disque, c'est-à-dire la zone du corps très aplatie, ondule pour créer une nage qui ressemble davantage à un vol.
En fait, les raies ne sont pas des animaux adaptés à la nage rapide, elles passent l'essentiel de leur temps sur le fond.
Une longue évolution
Les raies sont des animaux évolués au sein des poissons cartilagineux, mais elles existent cependant depuis très longtemps, comme le prouve le superbe spécimen de raie fossile du genre Holiobatis.
On trouve fréquemment des pavés dentaires de raies dans les archives fossiles. En effet, le corps cartilagineux des raies se conservent plus mal que les paves dentaires, ces dernières étant très calcifiées. Certains restes fossilisés de raies ont plus de 160 millions d'années.
Les batoïdes
Les différentes familles apparentées aux raies sont regroupées au sein des batoïdes. A l'intérieur de ce groupe, les rajiformes rassemblent les raies au sens strict, notamment les animaux aux corps le plus aplati. Parmi les familles de batoïdes, certaines présentent un corps relativement allongé pouvant plus facilement évoquer celui d ‘un requin que celui d'une raie, comme les Pristidés (les poissons-scies) et les Rhinobatidés (les raies-guitare).
Les pristidés
On recense, au sein de cette famille, des animaux discrets mais gigantesques. Les poissons-scies sont spectaculaires à cause d'un rostre très allongé portant latéralement des dents bien développées. Cet imposant attribut leur sert aussi bien à tuer leurs proies, par de violents mouvements latéraux, qu'à se défendre de leurs agresseurs.
Mais outre cette anatomie remarquable, beaucoup d'espèces de la famille des Pristidés peuvent atteindre des tailles à faire peur. Pristis microdon atteint 6,50 m et peut peser 600 kg. Pristis zijsron atteint 7,30 m et Pristis pectinata détient le record avec 7,60 m.
Les poissons-scies consomment essentiellement des proies benthiques et passe donc une grande partie de leur temps au fond de l'eau, ce qui explique leur relative discrétion. Méfiance cependant, des cas d'attaques sur l'homme ont été reportés.
Attention de ne pas confondre les poissons-scies, apparentés aux raies, avec les requins-scie, les requins du groupe des Pristiophoriformes. Les deux groupes présentent un rostre denté.
Les Rhinobatidés
Les Rhinobatidés forment une autre famille(les raies guitares) dont l'aspect global ne permet pas d'affirmer s'il s'agit de requins ou de raies. Seul l'examen anatomique un peu plus approfondi, et notamment l'observation des caractères de Rajiformes précités, permet de les classer sans aucun doute avec les raies. Cette morphologie mal définie leur a valu le nom de raie-guitare, dénomination bien connue des pêcheurs qui aiment se mesurer à ces grands animaux depuis le bord du rivage.
L'association de la tête, au museau allongé, et des nageoires pectorales donne à la partie antérieure du corps une forme en « V », mais elle demeure moins développée que chez les raies plus dérivées, comme les Rajidés. La partie postérieure du corps ressemblent davantage à celle des requins, la queue étant normalement développée et les deux nageoires dorsales présentes.
Les raies-guitare consomment toute la nourriture carnée qu'elles peuvent rencontrer sur le substrat : crabes, langoustes, bivalves, poissons et céphalopodes.
Bien qu'atteignant de grandes tailles, ce sont des animaux inoffensifs n'ayant jamais été impliqués dans des attaques sur l'homme.
La raie-guitare géante, Rhynchobatus djiddensis, peut mesurer 3,10 m pour 230 kg. C'est de plus une espèce recherchée pour sa chair, et ses ailerons, très appréciés sur les marchés asiatiques, ont entraîné une pêche industrielle ciblée sur l'espèce et menaçant sa survie.
Les rajidés
La plupart des autres familles de raies présentent des corps très spécialisés, adaptés à la vie benthique et caractérisés par le fort développement du disque céphalique, le corps très aplati, l'étroitesse de la portion caudale, la réduction ou la perte des nageoires caudales et dorsales.
Les Rajidés sont la plus grande famille avec 200 espèces, le plus souvent de taille petite à moyenne, reconnaissables à leurs deux petites nageoires dorsales en position très postérieure. Bathyraja hesperafricana, la plus grande espèce de la famille atteint 3,40 m. Pour trouver des raies plus impressionnantes, il faut considérer la famille des Dasyatidés. Attention, ces animaux piquent ! Leur longue queue fine et dépourvue de nageoires porte un ou deux aiguillons venimeux, la piqûre de certaines espèces peut être fatale. On les reconnaît également à leur disque losangique. Sur nos côtes, c'est la raie pastenague, Dasyatis pastinaca, qui a l'honneur de représenter cette famille cosmopolite. De taille déjà respectable, avec un maximum de 2,50 m, elle ne rivalise cependant pas avec certaines de ses cousines. Ainsi, une jolie raie à la robe tachetée, Himantura undulata, du Pacific-Ouest, atteint 4,10 m. Dasyatis brevicaudata peut, quant à elle, mesurer 4,30 m et elle fait partie des espèces dont la piqûre, au moins très douloureuse, peut être fatale. Quand elle est dérangée, elle relève la queue dans une posture qui n'est pas sans évoquer celle d'un scorpion prêt à l'attaque. D'autres espèces de la famille flirtent avec les 4 m. Même si la pastenague des côtes françaises n'est pas aussi dangereuse, méfiez-vous de ses piqûres douloureuses si vous la capturez à la ligne ou si vous plongez à proximité. Une piqûre en fin d'apnée peut avoir de très mauvaises conséquences.
Les Gymnuridés
Avec les Gymnuridés, nous abordons une famille aux formes plus étranges encore. Ces animaux ressemblent à un cerf-volant géant tant l'élargissement du disque est prononcé. La queue est effilée et toute petite. On ne dénombre que 12 espèces appartenant à cette famille, toutes de forme proche. La longueur de ces raies n'est jamais exceptionnelle mais, du fait de leur forme, la largeur l'est beaucoup plus. Gymnura altavela étale une envergure de 4 mètres, la surface du disque étant alors très conséquente.
Enfin, avec les Myliobatidés, la nature nous offre les formes les plus fascinantes. Au sein de cette famille, la sous-famille des Myliobatinés est caractérisée par une tête globuleuse, comme chez l'aigle de mer, Myliobatus aquila, une espèce des côtes française. Mais c'est la sous-famille des Mobulinés qui nous étonne par ses espèces presque enchanteresses. Il s'agit des immenses mais très gracieux diables de mer et raies mantas, dont la nage souple s'apparente plus à un vol. Ce sont des planctophages, comme beaucoup d'animaux marins géants, leur grande bouche leur permet de filtrer les petits crustacés planctoniques, voire les petits poissons pélagiques. La position de la bouche est d'ailleurs le caractère anatomique permettant de différencier mantas et diables de mer : chez les raies mantas, la bouche est terminale alors qu'elle est infère chez les diables de mer.
De part et d'autre de l'ouverture buccale, des expansions permettent de mieux diriger les proies vers la gueule de l'animal. Il s'agit de transformations de la partie la plus antérieure des nageoires pectorales. On l'aura compris, ces animaux sont pélagiques, au contraire des autres raies qui mènent une vie benthique. Mobula mobular est le plus grand diable de mer, avec une envergure de 5,20 mètres. Quant à Manta birostris, la raie manta géante, c'est tout simplement le plus grand Rajiforme de la planète avec l'envergure exceptionnelle de 9 mètres. On peut avoir la chance de la rencontrer dans toutes les eaux tropicales du globe et elle provoque la joie des plongeurs qu'elle laisse approcher sans agressivité. Déjà très impressionnante lorsqu'elle est seule, la raie manta géante forme également de petits groupes, accentuant encore l'impression de grandeur que provoque sa rencontre.
Article réalisé par Arnaud Filleul.