Bientôt du biocarburant à base d’eaux usées ?

Publié le  - Mis à jour le 

Après les reproches environnementaux entraînés par l’utilisation de biocarburant à base de culture alimentaire, l’Europe soutient l’utilisation d’une nouvelle génération d’agrocarburant : les algues. En conséquence, un récent projet espagnol, All-Gas, utilise un système d’eaux usées afin d’obtenir un biocarburant à base d’algues. Le projet All-Gas est le premier du genre à être porté à une aussi grande échelle de production. L’avenir du biocarburant est-il réellement dans les eaux usées ?

Installé depuis 2011 dans une grande usine de 200 m² dans le sud de l'Espagne, le projet All-Gas consiste à transformer les eaux usées en biocarburant.

Comment marche le biocarburant ?

Le principe est plutôt simple : les responsables ont utilisé une technique naturelle d’épuration des eaux : le lagunage. C'est-à-dire que les micro-algues se développent par photosynthèse (par addition de lumière naturelle et de nutriments) dans de grands bassins d’épuration.

Comme l’explique au Monde Frank Rogalla, responsable du programme, pour obtenir une eau naturelle purifiée, il ne reste plus qu’à ajouter du dioxyde de carbone qui, au contact des algues, va se transformer en oxygène et aider à la prolifération de bactéries qui dégraderont la matière organique.

Les micro-algues - ainsi qu’une faible quantité de matière organique - subissent ensuite une revalorisation énergétique avant d’être récoltées puis transférées dans des digesteurs dans lesquels elles produiront du biogaz composé surtout de méthane.

Une nouvelle génération de biocarburants à base d’algues

Actuellement, les agrocarburants utilisés proviennent de récoltes de colza, de soja, de maïs, de palmiers à huile, et ils comportent quelques inconvénients. D’une part, ils nécessitent beaucoup d’espace et sont, par conséquent, en concurrence directe avec les terres destinées aux cultures vivrières. De l’autre, leur bilan carbone n’est pas en leur faveur (augmentation du gaz à effet de serre, pollution de l’air, déforestation…).

Ces raisons font que la Commission européenne soutient la production d’algues en tant que nouvelle génération de biocarburant, la première étant nocive pour l’alimentation.

Et bien que la troisième génération d’agrocarburant (ceux à base d’algues) ait besoin de beaucoup d’énergie pour son développement (brassage, récolte et revalorisation), le projet All-Gas génère quelques gains d’énergie. En effet, le méthane produit est plus simple à extraire, contrairement à d’autres biogazs (biodiesel, bioethanol). Pour finir, le système de lagunage par les eaux usées d’All-Gas nécessite un faible espace et permet de traiter près de la moitié des eaux usées de Chiclana de la Frontara, la ville qui accueille l’usine. Ce qui a pour conséquence d’amortir le coût de production du biocarburant.

Car en effet, si les micro-algues sont plus simples à produire, elles ne semblent pas rentables pour autant. Comme le rapporte Le Monde, une PME française, Naskeo Environnment, avait déjà tenté l’expérience de produire du méthane à partir de micro-algues et d’eaux usées. Résultat : une tonne d’algues coûterait entre 60 et 90 euros, ce qui est quatre fois plus cher que le maïs.

Un projet viable d’ici 2020

Si le projet date de 2011, ses premiers résultats viennent tout juste de voir le jour, et les responsables restent confiants malgré les six kilos d’algues récoltés par jour. Ils ont bon espoir de produire 100 tonnes d’algues par hectares d’ici 2016, ce qui permettrait de produire près de 450 tonnes de méthane par an. Et même si encore aujourd’hui quelque soucis de productivité subsistent, le projet à grande échelle devrait voir le jour d’ici 2020.

Afin d’encourager l’usage de cette nouvelle génération d’agrocarburant, l’Europe a entrepris des mesures politiques en juillet dernier, en plus du soutien financier de 60 % qu’elle a apporté au projet All Gas (soit 12 millions d’euros). D’une part, l’utilisation des agrocarburants de nature agroalimentaire (blé, colza, maïs…) dans les transports est plafonnée à 5,5 % jusqu’en 2020. À l’inverse, la Commission Environnement du Parlement Européen promeut les agrocarburants à base d’algues en fixant un objectif de 2 %.