5 idées reçues sur le jardin / iStock.com - AlexRaths

5 idées reçues sur le jardin

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Est-il vrai que l'engrais n'est pas nécessaire dans un potager mais que l'eau est indispensable, que la bouillie bordelaise est un traitement bio, qu'une loi interdit l'utilisation de pesticides dans les jardins à partir de 2017 ou encore qu'une bonne terre est la condition sine qua non pour avoir un beau potager ? Pas si sûr, vérifions tout cela ensemble.

On peut avoir de beaux légumes sans utiliser d'engrais...

Faux. Il est indispensable d'enrichir une terre de jardin appauvrie par les récoltes avec de l'engrais pour assurer aux plantes leur croissance, leur résistance et leur rendement. Comme nous, les végétaux ont besoin de nutriments pour se développer correctement et notamment de 3 minéraux essentiels : l'azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K).

Fabriqués en grande majorité par l'industrie chimique, les engrais minéraux de synthèse sont simples (un seul élément nutritif) ou composés (deux éléments nutritifs ou trois). Si leur action, immédiate, est bénéfique pour les végétaux, ces engrais chimiques sont un fléau pour notre santé et l'environnement : appauvrissement des sols, pollution des nappes phréatiques, destruction de la micro et macro-faune... ; en outre, ils sont souvent pauvres en oligo-éléments et macro-éléments secondaires : calcium (Ca), soufre (S) et magnésium (Mg).

Il existe des engrais minéraux naturels d'origine minérale issus de l'exploitation de gisements naturels : poudre de basalte, poussière de lave...

Les engrais organiques (déchets animaux, naturels ou végétaux) bio s'utilisent quant à eux pour fertiliser progressivement le sol sans risque de lessivage. A base de purins de plantes (consoude, ortie, prêle), de vinasse de betterave, de résidus verts, de fumier, de corne torréfiée, de farine de sang de volaille, de guano... et ajoutés à la terre de culture au moment adéquat, ils libèrent leurs éléments nutritifs en respectant les sols.

Les engrais verts quant à eux sont des plantes à croissance rapide utilisées pour leurs capacités à récupérer l'azote présent dans l'air, puiser les nutriments en profondeur, aérer le sol... : fève, phacélie, lupin fourrager, moutarde, sarrasin, seigle, tournesol, trèfle, vesce commune... D'abord cultivées, elles sont ensuite coupées puis laissées sur le sol ou enfouies légèrement au printemps ou à la fin de l'été.

Pour fertiliser à moindre coût votre jardin, vous pouvez réaliser vous-même très facilement votre engrais naturel : compostage des déchets, purin d'orties ou de consoude, paillage autour des plantations, cendres de bois, marc de café...

Il faut beaucoup arroser pour avoir un beau jardin...

Faux. Ressource indispensable et rare, l'eau est utilisée à 70% par l'agriculture intensive qui, dans le même temps, pollue les sols. Alors que les Nations-Unies prédisent un 'stress hydrique' pour la moitié voire les 2/3 de la population à l'horizon 2030, il est primordial de préserver ce bien essentiel en modifiant d'urgence nos modèles agricoles.

Utilisées pour certaines notamment en permaculture*, les stratégies à adopter pour limiter la consommation d'eau au potager sont nombreuses :

  • Récupération de l'eau de pluie.

  • Utilisation intensive des mulchs : à base de matières animales, minérales ou végétales, cette 'couverture de sol' permet de limiter l'évaporation de l'eau et la prolifération des végétaux indésirables, de protéger le sol des érosions (vent, soleil...) et des températures extrêmes tout en le fertilisant.

  • Culture sur buttes : les 'buttes lasagnes' permanentes offrent non seulement l'avantage de limiter l'arrosage grâce à la richesse de leur sol (micro organismes, humus...) mais également de par leur implantation sur un axe ouest/est.

  • Mise en place de haies de différentes hauteurs et différents végétaux pour favoriser un micro-climat plus humide et la présence d'humus, d'insectes auxiliaires...

  • Utilisation de semences et plants biologiques sélectionnés pour leur résistance à la sécheresse.

  • Culture de légumes vivaces aux systèmes racinaires très développés moins gourmands en eau que les légumes annuels : asperge, artichaut, pomme de terre mais aussi arroche, bourrache, brocoli vivace, cardon, chou d'aubenton, consoude, crosne, fenouil, oseille, pourpier, topinambour...

Pour le jardin paysager, plantez des espèces peu consommatrices en eau selon le principe du xéropaysagisme** : plantes vivaces décoratives et/ou aromatiques (achillée, aubriète, cactus, graminée, joubarbe, laurier, monarde, mélisse, origan, pourpier, santoline, sauge, sédum, thym, valériane...), plantes annuelles (cosmos, gazania, pavot de Californie...), arbustes (albizia, althéa, anisodontea, buddléia, lavatère, laurier rose, photinia...), arbres (arbousier, arbre de Judée, conifères, grenadier, mimosa, olivier, oranger, palmier, tamaris...).

* La permaculture : appliquée à l'agriculture, la permaculture a pour but la création d'écosystèmes cultivés résilients.

* Le xéropaysagisme : du grec xeros 'sec' et paysagisme, le xéropaysagisme est une méthode d'aménagement paysager visant à économiser au maximum l'eau.

 

La bouillie bordelaise est utilisée en agriculture biologique

Vrai et faux. Tolérée en agriculture biologique dans certaines limites d'applications (6 kg/ha/an max) mais controversée, la bouillie bordelaise est un fongicide minéral très polyvalent. Composée d'un mélange de sulfate de cuivre (20%) et de chaux, la bouillie bordelaise ne contient pas de matière active de synthèse, ce qui explique sa pseudo-tolérance en bio. Utilisée pour la protection des cultures contre les maladies et les champignons (bactérioses, chancre, cloque, mildiou, tavelure...), la bouillie bordelaise est-elle si inoffensive que les fabricants le disent ? Elle est d'ailleurs interdite dans certains pays européens (Danemark, Pays-Bas...).

Très efficace pour lutter contre le mildiou (tomates, vignes...), elle induit l'accumulation de cuivre dans les sols lorsqu'il y a surdosage. D'ailleurs, on peut lire sur l'emballage 'très toxique pour les organismes aquatiques, entraîne des effets néfastes à long terme' (H 410) accompagné du logo de l'arbre mort. Référez-vous aux dosages indiqués sur les emballages qui varient d'une marque à l'autre.

Pour éviter tout risque de toxicité sur l'environnement et la biodiversité, utilisez un fongicide maison comme le purin d'ortie ou encore le purin de prêles. Pour limiter l'apparition du mildiou, pratiquez la rotation des cultures, arrosez les cultures au pied en faisant attention de ne pas mouiller les feuilles, ne paillez pas au pied des tomates...

Les pesticides vont bientôt être interdits pour les particuliers

Vrai. La loi Labbé sur l'utilisation des produits phytosanitaires du 8/2/2014 ( + amendement au projet de loi sur la transition énergétique du 10/7/2015) a pour conséquence de supprimer les produits phytosanitaires des rayons de jardineries dès janvier 2017. D'abord vendus 'sous-clef' avec une information sur leur dangerosité par du personnel formé, les pesticides ne devront plus être utilisés par les particuliers à partir de janvier 2019.

Représentant seulement 7% des substances actives phytosanitaires utilisées en France dont 6% pour les jardins particuliers, les pesticides interdits sont les biocides d'origine chimique (protection des éléments de construction ou des animaux domestiques), les herbicides, les fongicides, les insecticides, les mollusicides, les nématicides... Sont exclus les produits autorisés en agriculture biologique (bouillie bordelaise, bacillus thuringiensis, pyréthrine, soufre, trichoderma) ainsi que les préparations naturelles peu préoccupantes ou PNPP (argile, purins, vinaigre blanc...).

Une très petite avancée quand, dans le même temps, l'agriculture productiviste en France continue d'utiliser plus de 66 000 tonnes de pesticides/an, soit plus de 2 kg chaque seconde ! Dans les années 2000, ce sont quelques 100 000 tonnes qui étaient utilisées. Aujourd’hui la France se situe au 9ème rang européen en ce qui concerne l'utilisation de substances actives avec 2,3 kg/ha, des substances qui se retrouvent dans tous les écosystèmes (eau, air, sol, végétation, animaux, homme) avec les effets que nous connaissons sur la santé. Les 12 fruits et légumes les plus contaminés sont : la pêche, la pomme, le poivron, le céleri, la nectarine, la fraise, la cerise, le choux frisé, la laitue, le raisin importé, la carotte et la poire. Les consommer au quotidien reviendrait à avaler 10 pesticides par jour !

Pour info : Les lobbies industriels obtiennent régulièrement des dérogations de l'Europe concernant des substances prohibées (actochlore, huile de pétrole, trifluraline, asulame...). Dans le dernier compte-rendu du Comité permanent pour les plantes, les animaux et l'alimentation, la France a obtenu 19 dérogations, ce qui la classe 2ème après l'Espagne (26) ; au total, ce sont 120 dérogations concernant des substances actives prohibées en raison de leur dangerosité qui ont été accordées à 20 pays de l'Union Européenne.

Pour plus de renseignements sur les pesticides et leurs effets sur la santé, lisez ce rapport de l'Inserm de juillet 2013.

Faire un potager nécessite de la bonne terre

Faux. Vous avez de la mauvaise terre où rien ne pousse sans un maximum d'engrais ? Vous aimeriez aménager un petit potager hors sol sur votre balcon ou votre terrasse en ville ? La solution : le jardin en lasagnes.

Vous connaissez les lasagnes, ces couches alternées de pâtes, de sauce béchamel au fromage et de sauce tomate avec de la viande ? Il existe le même principe en agriculture. La culture sur butte appelée également la butte sandwich ou le potager en lasagnes permet, sur un minimum d'espace, de créer un potager luxuriant sans engrais chimique. Autres avantages : le recyclage des déchets de jardin et de cuisine, une profusion de fruits et légumes sans bêcher ni retourner la terre, une butte permanente...

Le principe : des couches successives de cartons, de déchets bruns secs (paille, copeaux, feuilles mortes, branchages broyés, fleurs fanées, foin...) et de déchets verts humides (mauvaises herbes, tontes de gazon, déchets de fruits et légumes de la cuisine, orties, consoudes...) directement sur le sol ou dans un cadre avec du bois de récupération. Dernières couches : du compost bien mûr (que vous trouverez à très bon prix dans les déchetteries autour de chez vous) et du foin ou de la paille pour protéger le tout. Un bon arrosage et c'est prêt.

Il ne reste plus qu'à planter, assez serré et en mélangeant le plus possible les espèces, dans ce substrat proche de l'humus. La croissance est étonnante.