Travail : quand les salariés ne décrochent plus… même en vacances

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Dans certaines boîtes, les mails et les appels professionnels tard la nuit font partie du quotidien. Mais pour laisser le temps à leurs employés de souffler et de décompresser, condition sine qua non au bon équilibre d'une entreprise, quelques sociétés vont jusqu'à leur imposer une vraie coupure, quitte à leur interdire les emails et les SMS.
 
Henry (le prénom a été modifié) – cité par Rue89 –, DRH dans une entreprise de plusieurs milliers de salariés du secteur médical, a eu l'idée d'imposer à l'ensemble des employés une véritable déconnexion pendant les vacances ou les congés. Une façon selon lui d'habituer les personnels à un usage plus justifié des ordinateurs, des portables ou encore des tablettes. Mais aussi une manière d'apporter une véritable valeur ajoutée à l'entreprise, avec simplement un peu de recul. Il faut savoir que certains cadres urgentistes, souvent noyés sous une masse de mails et de SMS, sont parfois incapables de fournir une réflexion à moyen, voire même long terme.
 
 
Des salariés de plus en plus accros aux nouvelles technologies
 
Si la réponse des directeurs a été négative, reste que la proposition d'Henry n'est pourtant pas si abracadabrante à l'heure où les employés se passent de plus en plus difficilement des nouvelles technologies. Pour certains d'entre eux, cette hyper connectivité va de soi : pour la simple et bonne raison qu'ils peuvent être joints, il est nécessaire qu'ils restent joignables à tout moment. D'après un sondage réalisé par un professeur de leadership à la Harvard Business School, les salariés américains seraient seulement 2 % à débrancher leurs appareils électroniques pendant les vacances. Et pour les chercheurs à l'origine de l'étude, la seule façon d'encadrer un tel phénomène serait d'imposer la désintoxication.
 
 
 
Un soir par semaine sans smartphone
 
C'est précisément ce qu'a mis en application la chercheuse Leslie A. Perlow auprès d'un cabinet international de conseil en management et en stratégie d'entreprise dans lequel les consultants déclaraient rester connectés jour et nuit. Ainsi, il a été convenu que chaque membre d'une équipe de six personnes devrait rester injoignable au moins un soir par semaine, à compter de 18h. Au départ, les personnes concernées se sont montrées réticentes, redoutant de ne pas savoir comment occuper leur temps libre.
 
Résultat, l'expérience s'est révélée une franche réussite puisqu'en l'espace de quatre ans, 86 % des consultants employés par cette société ont fait de même. À noter toutefois qu'il était possible en cas d'extrême urgence de répondre au téléphone. Quoiqu'il en soit, 50 % des salariés qui se déconnectent déclarent dorénavant avoir hâte de venir travailler le matin, contre 27 % pour ceux ne débranchant pas. Près de 60 % estiment le partage entre leur vie professionnelle et privée équilibré, contre 38 %. D'autre part, 58 % des déconnectés pensent qu'ils resteront dans l'entreprise à long terme, contre 40 % de leurs collègues.
 
 
Quand Volkswagen coupe le cordon
 
 
Dans la même optique, en Allemagne, des syndicats sont parvenus à pousser Volkswagen à couper le cordon avec ses employés, ce plus d'un soir par semaine. En janvier 2012, l'entreprise a en effet consenti à bloquer l'accès aux téléphones professionnels de 18h15 à 7h du matin, d'après Wolfsburger Allgemeine Zeitung. Ce qui permet aux salariés de se connecter uniquement au cours de leur journée de travail et pendant leurs trajets. Cependant, seuls 1150 des 190 000 employés de la marque sont pour l'heure concernés. Néanmoins, cette expérience est une première en Europe.
 
 
Qu'en est-il en France ?
 
Dans l'Hexagone, rares sont les entreprises à mettre en application une telle mesure. En 2010, la direction de France Télécom avait signé un accord prévoyant qu'il n'est plus nécessaire pour les employés de répondre à la messagerie professionnelle les soirs, les week-ends et pendant les congés, comme le raconte les Échos. Ainsi, il est "recommandé" d'envoyer des messages différés durant ces périodes.
 
Suite à des suicides, le leader européen des équipements électroniques Thalès Avionics a rédigé une note demandant la surveillance stricte des heures auxquelles le salarié se connecte au réseau entreprise. En outre, des messages d'alertes devraient prochainement avertir l'entreprise quand le salarié se connectera hors de l'enceinte de l'entreprise.
Un rapport que la CFDT n'avait pas manqué de dénoncer en invitant Thalès Avionics à prendre les mesures nécessaires pour bloquer les connexions des salariés qui ne sont pas en mission ou en déplacement, tout en soulignant son obligation de faire respecter les onze heures de repos quotidien.
 
 
Les limites de la déconnexion imposée
 
Comme le fait remarquer Leslie A. Perlow, si la déconnexion, même imposée, ne suffit pas, elle permet toutefois de repenser collectivement la façon de travailler. Elle donne aussi les moyens à chacun d'effectuer sa mission sans contrainte de connexions illimitées.
Sources : Harvard Business School, Les Échos, Rue89